Le 18 février 2014, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a censuré l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris le 11 octobre 2012 dans l’affaire de la restauration des monuments historiques, en ce qu’il avait confirmé la décision n° 11-D-02 rendue par l’Autorité de la concurrence le 26 janvier 2011, selon laquelle devait être prise en compte, au titre de l’effet dissuasif et proportionné de l’amende, l’appartenance de l’entreprise auteure des pratiques anticoncurrentielles à un groupe économique puissant, peu important que ce dernier n’ait pas participé à la mise en œuvre des pratiques.
Pour rappel, dans sa décision, l’Autorité avait condamné 14 entreprises actives dans le secteur de la restauration des monuments historiques au paiement d’une amende de près de 10 millions d’euros pour s’être entendues quant à la répartition des marchés. Si 13 des entreprises sanctionnées étaient des PME ayant écopé de sanctions inférieures ou équivalentes à 1 million d’euros, la dernière, Pradeau et Morin, s’était vue infliger une amende de plus de 4,5 millions d’euros, notamment en raison de son appartenance à un groupe puissant, au chiffre d’affaires particulièrement important, alors même que les pratiques reprochées à sa filiale ne lui avaient pas été imputées.
Par cet arrêt du 18 février 2014, la Cour de cassation est revenue sur cette pratique décisionnelle de l’Autorité, en affirmant que l’appartenance de la filiale ayant mis en œuvre de manière autonome des pratiques répréhensibles à un groupe puissant ne saurait être prise en compte aux fins de la dissuasion, que dans la seule hypothèse où ledit groupe aurait « joué un rôle dans la mise en œuvre des pratiques anticoncurrentielles ou [aurait été] de nature à influer sur l’appréciation de la gravité de ces pratiques ».
Bien que louable car limitant l’opportunité de prise en compte par l’Autorité de l’appartenance au groupe en tant que circonstance aggravante, cette solution n’est pas pour autant évidente. En effet, alors qu’en théorie, la question de la participation du groupe aux pratiques et la prise en compte de circonstances permettant d’adapter à la hausse le montant de la sanction sont indépendantes l’une de l’autre, désormais, pour que puisse être prise en compte l’appartenance de la filiale au groupe au titre de l’effet dissuasif, il faudra nécessairement que ce dernier, auquel les pratiques ne sont pas imputées, ait pris part d’une manière ou d’une autre à la commission de l’infraction. En pratique, l’Autorité cherchant systématiquement à imputer les pratiques d’une filiale à sa société mère lorsque cette dernière a joué un rôle dans leur mise en œuvre, cet arrêt semble limiter la prise en compte de la taille/la puissance/les ressources du groupe auquel appartient la filiale auteure des pratiques à l’hypothèse où lesdites pratiques sont bien imputées à l’entité à laquelle appartient l’entreprise contrevenante.
Enfin, doit être mentionné qu’à l’issue de l’examen d’un autre moyen du pourvoi, la Cour de cassation a affirmé que, pour apprécier la capacité contributive d’une entreprise condamnée au titre de pratiques anticoncurrentielles, et ainsi fixer le montant de la sanction qui lui sera infligée, l’Autorité doit prendre en compte la capacité de celle-ci pour « mobiliser les fonds nécessaires au règlement de la sanction auprès du groupe auquel elle appartient », que ledit groupe ait ou non participé à la mise en œuvre des pratiques.
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