L’Autorité de la concurrence a imposé « en urgence », le 2 mai 2016, à l’énergéticien Engie (ex-GDF Suez) de modifier sa politique tarifaire dans la fourniture de gaz afin que les prix pratiqués pour certaines de ses offres de marché aux entreprises reflètent leurs coûts réels.
La décision de l’Autorité de la concurrence intervient à la suite d’une plainte du distributeur d’énergie Direct Energie qui dénonçait notamment les pratiques tarifaires d’Engie sur ses offres de marché à destination des particuliers et des entreprises qui permett(rai)ent à l’opérateur historique de commercialiser ses offres à un niveau inférieur à ses coûts. Pour Direct Energie, cette stratégie est susceptible d’éliminer du marché les fournisseurs alternatifs, qui ne peuvent rivaliser avec les offres proposées par Engie.
S’agissant des offres destinées aux particuliers, l’Autorité de la concurrence estime à ce stade de la procédure qu’Engie se situerait en « zone grise », c’est-à-dire que les prix pratiqués pour ses offres de marché, bien que supérieurs au standard de coût à court terme, sont inférieurs au standard de coût à long terme. En effet, une partie des coûts est prise en charge via les tarifs acquittés par les clients en TRV (tarif réglementés de gaz), compte tenu de l’absence de retraitement des coûts commerciaux issus de la comptabilité réglementaire. L’instruction au fond devra déterminer si une fois les coûts commerciaux correctement affectés aux deux offres (offres de marché et offres TRV), les offres de marché ne couvrent pas leurs coûts totaux. Dans cette hypothèse, l’existence d’un subventionnement croisé par l’utilisation des ressources tirées de la vente des offres au TRV et l’absence de détermination raisonnable de ses prix par Engie pourraient caractériser l’existence d’une prédation ou d’effets d’éviction.
S’agissant des offres destinées aux entreprises, l’Autorité de la concurrence considère que les prix proposés par Engie pour l’ensemble de son activité de fourniture d’offres individualisées – c’est-à-dire ne faisant pas l’objet d’un prix préétabli – sont susceptibles de ne pas lui permettre de couvrir ses coûts évitables et donc de lui être profitable. Ces offres en « zone noire » qui ne sont pas susceptibles de couvrir leurs coûts à court terme peuvent de ce fait être présumées illicites. En substance, Engie n’a pas pris en compte certains coûts comme les coûts commerciaux ou les coûts liés aux certificats d’énergie.
Dans ces conditions, l’Autorité de la concurrence conclut à une atteinte grave et immédiate au secteur. Dans le contexte d’un marché en cours d’ouverture sur lequel les clients individuels sont difficiles à cibler pour les fournisseurs alternatifs, qui ne bénéficient pas de l’historique de clientèle que détient Engie, les pratiques mises en place sur les offres individualisées privent les concurrents de l’opportunité de développement que représentent les offres de marché.
En définitive, si l’instruction se poursuit concernant presque toutes les pratiques, seules les pratiques tarifaires concernant les clients professionnels font l’objet de mesures conservatoires. L’Autorité impose en effet à Engie de fixer, à titre conservatoire et dans l’attente d’une décision au fond, les prix de ses offres de marché individualisées en tenant compte de tous les coûts qu’elle doit supporter à court terme pour la commercialisation de ces offres, y compris les coûts commerciaux et les coûts liés aux certificats d’énergie.
Par cette décision, le gendarme française de la concurrence rappelle la responsabilité particulière qui incombe à un opérateur historique qui succède à un service public. Celui-ci ne doit pas préempter le marché aux dépens de ses concurrents nouveaux entrants, notamment en abusant des avantages hérités de sa position autrefois monopolistique.
Le texte de la décision est disponible ici.
Source : Autorité de la concurrence