Dans une décision rendue le 6 juin 2016, l’Autorité de la concurrence a infligé une amende de 20,6 millions d’euros à l’encontre de TDF (ex-Télédiffusion de France) pour avoir entravé abusivement le développement de ses concurrents lors du déploiement de la Télévision numérique (TNT) entre 2006 et 2010.
La décision intervient à la suite d’une plainte de son principal concurrent, Itas Tim, qui reprochait notamment à TDF – leader du secteur avec 80% de parts de marché de la TNT – d’avoir entravé l’implantation de ses infrastructures à proximité de ses propres sites à l’occasion du déploiement de la TNT. Après avoir rejeté les demandes de mesures conservatoires pour défaut d’urgence, l’Autorité a renvoyé l’instruction de l’affaire au fond qui a révélé deux abus de position dominante.
En premier lieu, TDF a diffusé un discours dénigrant et trompeur auprès des collectivités locales pour les inciter à refuser l’implantation de sites de diffusion concurrents à proximité de ses installations, au motif de prévenir les risques de perturbation radioélectrique / problèmes de réception pour les téléspectateurs.
L’Autorité rappelle qu’en tant que société privée opérant sur un marché en concurrence, TDF est seulement consultée, comme les autres opérateurs, par les régulateurs sectoriels à qui incombe la prévention des perturbations, selon les procédures prévues par le droit commun. Par ailleurs, les risques invoqués par TDF ne sont pas liés spécialement à l’installation de pylônes concurrents et sont d’une grande banalité. L’Autorité constate enfin que plusieurs maires ont suivi les avis défavorables de TDF en refusant des installations pourtant régulièrement autorisées par les administrations compétentes.
Elle considère donc que TDF n’était pas fondée à mentionner auprès des collectivités locales un potentiel risque de perturbation lié à la colocalisation afin de justifier son intervention préventive sur les projets d’implantation de ses concurrents et, par là même, dénigrer ces derniers. Cette pratique est grave puisque TDF a de la sorte empêché l’accès au marché et le développement de ses concurrents en érigeant de nouvelles barrières à l’entrée, lesquelles étaient déjà importantes, et ce, au moment stratégique du passage au tout numérique.
En second lieu, TDF a accordé des remises fidélisantes au multiplex afin de les inciter à confier en exclusivité ou en quasi-exclusivité leurs sites de diffusion dans la zone donnée. Plus la part de sites confiés à TDF était importante, plus le pourcentage de remise était élevé. De manière générale, la remise n’était accordée que si au moins 70% des sites en jeu lui étaient confiés. Cette pratique est également grave dans la mesure où elles ont eu pour effet de restreinre la concurrence en favorisant les offres de TDF, alors que l’opérateur est dominant sur le marché.
Dans ces conditions, le gendarme français de la concurrence a infligé une sanction au diffuseur de 11,6 millions d’euros au titre du discours trompeur et dénigrant et 9 millions d’euros au titre des remises fidélisantes.
Contactée par la presse, TDF affirme qu’il va « très probablement » faire appel. L’entreprise estime notamment que la sanction relative au discours trompeur et dénigrant est lourde compte tenu du caractère local de la pratique. Concernant les remises sanctionnées, elle se défend en arguant de la petitesse de celles-ci et de la faiblesse de l’analyse économique entreprise par l’Autorité.
Rappelons que ce n’est pas la première fois que TDF est rappelé à l’ordre par l’Autorité de la concurrence. En juin 2015, elle avait été sanctionnée à hauteur de 5,6 millions d’euros, pour des pratiques visant à évincer ses concurrents sur le site de la Tour Eiffel.
Source : Autorité de la concurrence