Le 30 mars 2015, le Tribunal de commerce de Paris a rendu une décision condamnant les sociétés Eco Emballage et Valorplast à réparer le préjudice concurrentiel subi par la société DKT en raison de comportements anti-concurrentiels mis en œuvre par Eco Emballage et Valorplast sur le marché des déchets d’emballages ménagers en plastique.
Au-delà des 400.000 euros de dommages et intérêts qu’Eco Emballage et Valorplast ont été solidairement condamnées à payer à DKT (200.000 euros en réparation du préjudice financier et de la perte de chance, 100.000 euros en réparation du préjudice moral, 50.000 euros en réparations des pertes subies et 50.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile), cette décision est surtout remarquable en ce qu’elle est fondée sur une « décision d’engagements » de l’Autorité de la concurrence prise sur la base du I de l’article L. 464-2 du code de commerce (décision n° 10-D-29 du 27 septembre 2010). Il s’agit d’une première ! (ou presque, puisque dans l’affaire Google/Navx, qui peut sembler s’en rapprocher à première vue au moins, le Tribunal de commerce de Paris avait, en réalité, dans sa décision du 27 décembre 2012, qui faisait également suite à une décision d’engagements, principalement retenu à l’encontre de Google, sur le plan civil, la rupture abusive des relations commerciales mais conclu à l’absence d’une exploitation abusive de sa position dominante par Google).
En effet, le Tribunal de commerce ne s’est donc pas prononcé à la suite d’une décision de l’Autorité de la concurrence retenant et sanctionnant une infraction antitrust sur la base de l’article L. 420-1 ou L. 420-2 du Code de commerce (i.e., action dite de « follow-on »), mais à la suite d’une« décision d’engagements ». Or, comme indiqué dans le Communiqué de procédure de l’Autorité du 2 mars 2009 relatif aux engagements en matière de concurrence, une décision avec engagements vise uniquement à mettre un terme à des pratiques soulevant des préoccupations de concurrence, sans pour autant se prononcer sur leur caractère anticoncurrentiel. Autrement dit, lorsque l’Autorité accepte et rend obligatoires des engagements tels que ceux souscrits par Eco Emballage et Valorplast, elle clôture la procédure sans établir d’infraction aux règles de concurrence et donc sans qualifier les pratiques en question.
Cependant, à la lecture de cette décision du Tribunal de commerce, il semble que celui-ci souhaite désormais donner la possibilité à toute personne ayant subi un dommage antitrust d’intenter une action civile pour demander la réparation du préjudice subi en se fondant, en grande partie du moins, sur une « simple » décision d’engagements de l’Autorité. De là à considérer que le Tribunal de commerce de Paris consacre la possibilité d’actions de « follow-on » sur la seule base de « décisions d’engagements », il n’y a qu’un pas. Une telle évolution ne semble d’ailleurs pas illogique puisque si une société consent des engagements devant l’Autorité c’est le plus souvent (pour ne pas dire toujours) car elle sait que ses pratiques objet des engagements qu’elle propose ne sont certainement pas en totale conformité avec les règles de concurrence..
Source : Tribunal de commerce de Paris
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